L'Alliance
Ce film s’inspire d’une légende locale. Au-dessus de Forcalquier, un village de Haute Provence, près de Manosque, se trouve un très beau paysage lunaire, formé de gros rochers en forme de champignons ou de têtes pétrifiées, appelé « Les Mourres ». Ce paysage délivre un fort sentiment d’étrangeté. On prétend que le nom, « Lei Morres », vient des Maures. Voici la très belle histoire, légendaire, qui circule autour de ce site. Elle provient en fait d’un roman local de Camille Arnaud, publié en 1884 : KU-LI, Histoire de l’an MXX.
« Au Xème siècle, les Sarrasins remontèrent le cours de la Durance, occupèrent Manosque et vinrent mettre le siège devant Forcalquier. L’émir, qui était un homme de goût, eut tout loisir d’apprendre la langue provençale et devint même troubadour. Le soir, tandis que ses troupes regagnaient les grottes qui bordent le ruisseau du Vif, il allait haranguer sous les murs les notables de la ville, surpris et bientôt charmés par ses discours. Le siège s’éternisant, les uns et les autres concluent une sorte de trêve : les paysans, réfugiés derrière leurs remparts, pourraient descendre cultiver les champs à certaines heures et les Arabes échangeraient avec eux de la viande contre des reliques. Les conversations se nouèrent, et l’émir finit par enlever la fille du Seigneur, dont il était épris. Le mariage fut célébré selon les règles. Maures et Provençaux en oublièrent leur haine artificielle. »
L’Alliance est une adaptation de ce récit imaginaire. Tourné en Corrèze, au château de Ventadour notamment, lieu associé au poète Bernard de Ventadour, il décrit le siège des Sarrasins et la passion naissante de l’Émir pour la langue occitane et la fille du Seigneur.
Tourné en son direct, le film est chanté en arabe et en occitan. La musique originale a été composée par Ernest H. Papier d'après un livret comprenant des poèmes de Jaufré Rudel et de B’loul Tirek. Les musiciens sont présents à l’image : traverso et viole d’amour pour les Limousins, zarb et cymbalum pour les Sarrasins. Le caractère chanté et musical accuse le ton poétique, anti-naturaliste, du film.
Le film ne présente pas de reconstitution historique. Il est le rêve d’une époque, assumant la part d’anachronisme et de merveilleux propre à ce récit : stylisation des éléments de décor, confiés au peintre Jean Laube, et des costumes, dus à Christine Thépénier, simplicité de l’intrigue, symétrie des situations, magie naturelle des lieux, sortilèges de l'art combinatoire, vertu du conte.